Cette affaire relative à l’ancien site de l’usine Métaleurop a donné lieu à 87 jugements rendus par le TA de Lille le 21 décembre 2021, dont trois d’entre eux sont révélateurs de la question de droit posée (TA Lille, 21 décembre 2021, M. M. et Mme M. n°1807391 ; TA Lille, 21 décembre 2021, M. et Mme K. n°1807398 ; TA Lille, 21 décembre 2021, M. et Mme P. n°1807662).
Cette affaire concernait l’exploitation du site de l’usine de Noyelles-Godault, productrice de plomb brut et de zinc, à proximité de la commune d’Evin-Malmaison dans le Nord Pas de Calais. Cette usine a été exploitée par la société Metaleurop Nord jusqu’à la mise en liquidation de cette-dernière en 2003. Le site a ensuite été dépollué et reconverti afin d’accueillir une entreprise de recyclage et de valorisation des déchets.
Les abords pollués du site font l’objet d’un projet d’intérêt général “Metaleurop Nord” prescrivant des interdictions de construire ou des obligations de dépollution en fonction du degré de pollution de ces sols.
Toutefois, des riverains ont demandé au TA de Lille la réparation des préjudices dont ils s’estiment victimes en raison d’une carence de l’Etat dans l’exercice de son pouvoir de police des installations classées. Ils souhaitent que l’Etat fasse réaliser en urgence des travaux de dépollution comprenant un décapage de la totalité de leur terrain sur une profondeur de 50 cm, l’apport de terres saines ainsi que le versement de dommages et intérêts.
Le TA de Lille répond en trois temps.
Tout d’abord, il se prononce sur le décapage et estime que “s’il résulte des dispositions du code de l’environnement, dans le cas où, d’une part, il apparaît que la pollution d’un sol présente un risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou pour l’environnement et où, d’autre part, l’Etat ne peut plus mettre en demeure l’ancien exploitant ou une personne s’y étant substituée, ou le cas échéant toute autre personne qui y serait tenue, il incombe à l’Etat de faire usage de ses pouvoirs de police en menant notamment des opérations de dépollution du sol, pour assurer la mise en sécurité du site, compte tenu de son usage actuel, et remédier au risque grave ayant été identifié. Toutefois, cette obligation concerne le site lui-même.” La demande est irrecevable car elle concerne un terrain situé en dehors du site de l’usine.
Ensuite, concernant la perte de valeur vénale des propriétés, le TA a distingué les situations des propriétaires en fonction de la date de leur acquisition. Les propriétaires ayant acquis leur bien après la publication des arrêtés instaurant une zone de protection autour de l’usine n’ont pas subi de perte financière : “le législateur a tenu compte d’une éventuelle perte de valeur vénale, les requérants n’établissent pas que la perte réelle de valeur vénale subie par leur bien dépasserait l’avantage fiscal ainsi accordé. Ainsi, il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’en l’état, l’existence d’un préjudice de perte de valeur vénale n’est pas établie“.
Enfin, il se prononce sur l’indemnisation du préjudice d’anxiété qui doit être direct et certain pour être indemnisé. “Le seul classement de leur terrain en zone Z2 du PIG de 2015 ne permet pas de conclure à une contamination inquiétante des requérants aux métaux lourds, il ne résulte pas de l’instruction que les requérants sont soumis à un risque suffisamment élevé de développer une pathologie grave. Leur demande d’indemnisation d’un préjudice d’anxiété doit donc être rejetée“.
Margaux Berthelard, Juriste documentaliste