Cette affaire a pour origine une requête de l’association France Nature Environnement qui visait à faire annuler pour excès de pouvoir le décret n°2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Elle a également demandé au Conseil d’Etat de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne une première question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, et une deuxième question préjudicielle portant sur la détermination par un Etat membre de l’autorité administrative chargé de l’examen au cas par cas de la nécessité de soumettre un projet à une évaluation environnementale.
Le Conseil d’Etat a rendu sa décision le 16 février 2022 (Conseil d’Etat, 6ème-5ème chambres réunies, 16 février 2022, n°442607). Il a rejeté la requête de France Nature Environnement qui souhaitait faire annuler le décret et a validé la compétence du préfet pour déterminer si un projet provenant de la procédure au cas par cas devrait faire l’objet d’une évaluation environnementale. France Nature Environnement critiquait cette “double casquette du préfet”, mais le Conseil d’Etat estime que cela ne pose pas de problème de respect du droit européen que le préfet chargé de l’examen soit également à l’origine de l’élaboration du projet. Le Conseil d’Etat justifie sa décision en affirmant que si le préfet considère se trouver en conflit d’intérêts, il doit de toute façon confier l’examen à la mission régionale d’autorité environnementale. Il affirme que : « contrairement à ce qui est soutenu par l’association requérante en désignant à l’article R. 122-3 du code de l’environnement tel qu’issu de l’article 2 du décret attaqué dans de nombreuses hypothèses le préfet de région en qualité d’autorité chargée de l’examen au cas par cas afin de déterminer si un projet doit être soumis à évaluation environnementale sans prévoir de dispositions excluant cette compétence lorsque celui-ci est par ailleurs compétent pour autoriser le projet concerné sous réserve des situations de conflit d’intérêts notamment s’il est chargé de l’élaboration du projet soumis à autorisation ou en assure la maîtrise d’ouvrage le décret ne méconnaît pas les objectifs de la directive 2011ҝш2ҝCE du 13 décembre 2011 ».
Il estime que cela n’est pas nécessaire de transmettre de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne : « Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de procéder à la mesure d’instruction demandée ni de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que l’association France Nature Environnement n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 juillet 2020 attaqué. Ses conclusions aux fins d’injonction ne peuvent par suite qu’être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ».
Toutefois, cette décision semble contestable au regard du droit européen puisqu’en février 2021, la Commission européenne avait souligné l’existence d’un risque de conflit d’intérêts des préfets en raison du décret attaqué.
Margaux Berthelard, Juriste documentaliste