Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt le 28 mars 2022 (CE, 7ème et 2ème chambre, req 453.378) par lequel il a assoupli sa jurisprudence dans un sens très favorable aux victimes du préjudice d’anxiété.
Il considère que « la personne qui recherche la responsabilité d’une personne publique en sa qualité d’employeur et qui fait état d’éléments personnels et circonstanciés de nature à établir une exposition effective aux poussières d’amiante susceptible de l’exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir, par là même, son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation du préjudice moral tenant à l’anxiété de voir ce risque se réaliser. Dès lors qu’elle établit que l’éventualité de la réalisation de ce risque est suffisamment élevée et que ses effets sont suffisamment graves, la personne a droit à l’indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendré par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave ».
Le Conseil d’Etat distingue ensuite deux catégories de personnes :
- Celles qui justifient avoir été, dans l’exercice de leurs onctions, conduites à intervenir sur des matériaux contenant de l’amiante et, par suite, directement exposées à respirer des quantités importantes de poussières issues de ces matériaux ;
- Celles qui, eu égard à leur situation à l’instar des marins, sans intervenir directement sur des matériaux amiantés, établissent avoir, pendant une durée significativement longue, exercé leurs fonctions et vécu, de nuit comme de jour, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d’amiante, sans pouvoir, en raison de l’état de ces matériaux et des conditions de ventilation des locaux, échapper au risque de respirer une quantité importante de poussières d’amiante.
Les personnes qui sont intégrées, compte tenu d’éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d’activité, dans le dispositif d’allocation spécifique de cessation anticipée d’activité, désormais régi par la loi du 29 décembre 2015, laquelle vise à compenser un risque élevé de baisse d’espérance de vie des personnels ayant été effectivement exposés à l’amiante, doivent, de même, être regardées comme justifiant de ce seul fait d’un préjudice d’anxiété lié à leur exposition à l’amiante.
Enfin, le montant de l’indemnisation du préjudice d’anxiété prend notamment en compte, parmi les autres éléments y concourant, la nature des fonctions exercées par l’intéressé et la durée de son exposition aux poussières d’amiante (CE, 28 mars 2022, n°453378).
Par Benjamin Huglo, docteur en droit et consultant