En l’espèce, la société Combray Energie avait demandé au préfet d’Eure-et-Loir une autorisation environnementale concernant un projet d’implantation de 12 éoliennes ainsi que de quatre postes de livraison électrique pour former le “Parc éolien de la vallée de la Thironne”. Les juges de première instance ont refusé cette demande en raison de l’atteinte aux paysages ainsi qu’au patrimoine culturel protégé.
En effet, les autorisations d’implantation d’éoliennes ne peuvent être accordées, conformément aux articles L. 181-3 et L 511-1 du code de l’environnement, lorsque le projet porte notamment atteinte à la protection des paysages. La cour a précisé à cet égard que l’exigence de protection des paysages peut justifier un refus d’implantation d’éoliennes motivé par la préservation d’un paysage présentant une composante immatérielle liée à son évocation au sein d’une œuvre littéraire reconnue.
La CAA de Versailles valide donc le jugement de première instance. Elle souligne qu’il est possible de fonder un refus d’implantation d’éoliennes sur la préservation d’un paysage évoqué au sein d’une oeuvre littéraire : “Il est par ailleurs constant que l’arrêté est motivé en fait par l’impact caractérisé de l’implantation de ce projet de parc éolien sur les paysages et le patrimoine culturel protégés, en raison de la hauteur de ces éoliennes, qui seraient visibles depuis plusieurs lieux situés sur la commune d’Illiers‑Combray, laquelle a été classée comme un site patrimonial littéraire (SPR) institué dans un but de prévention paysagère, pour protéger l’église et l’ancien château classé au titre des monuments historiques, ainsi que la vue caractéristique du clocher émergeant du plateau beauceron et de la vallée du Loir, et des jardins préservés en amont et en aval du village, dans le cadre d’une approche élargie du paysage répondant aux descriptions de ce village évoquées dans l’œuvre de Marcel Proust, ce qui fait de cette protection patrimoniale une protection paysagère, architecturale et littéraire, les pouvoirs publics s’attachant depuis des années à préserver et valoriser ce site par des actions de protection du patrimoine, par la création de sentiers de cheminement illustrant l’œuvre de Marcel Proust, et par l’organisation d’évènements dans le cadre du printemps proustien“.
Le Conseil d’Etat avait déjà pris en compte l’impact paysager d’un projet d’implantation d’éoliennes pour refuser la délivrance d’un permis de construire (CE, 9 Octobre 2015, Société Eco Delta, n°374008). En l’espèce, une partie du projet litigieux était visible depuis les perspectives donnant sur la « cathédrale de Chartres, monument historique de renommée internationale ». Le Conseil d’Etat avait alors conclu que le préfet pouvait refuser l’attribution d’un permis de construire sur ce motif.
La Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 5eme ch., 11 janvier 2019, n° 17NT03863) a repris la position du Conseil d’Etat pour refuser l’implantation d’un nouveau parc éolien à proximité de la cathédrale de Chartres, en retenant notamment que « classée au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO, [elle] occupe une position remarquable dans la plaine de la Beauce. Sa silhouette, observable à plus de 25 km aux alentours, constitue un signal particulièrement marquant dans le paysage ».
Mais ce qui distingue cet arrêt de la CAA de Versailles c’est la double prise en compte par les juges de l’aspect culturel et esthétique pour refuser la délivrance de cette autorisation environnementale. En l’espèce, le culturel amplifie l’esthétique du paysage de la vallée de Thironne dont il est question.
Par Margaux Berthelard, Juriste documentaliste