Le requérant, habitant l’Ile de France, a demandé au tribunal administratif de Cergy Pontoise l’annulation de la décision implicite du préfet du Val-d’Oise par laquelle il aurait refusé de prendre des mesures de lutte contre la pollution environnementale. Il estime que l’Etat est coupable de négligence car il n’a pas fait le nécessaire pour que les niveaux de microparticules (PM10) et de dioxyde d’azote (NO²) ne dépasse pas les valeurs règlementaires fixées par l’Union européenne. Il réclame donc une indemnisation de 21 millions d’euros en dédommagement de son mauvais état de santé qu’il estime lié à la pollution atmosphérique à Paris.
L’affaire est ensuite arrivée devant la cour d’appel de Versailles, qui a saisi la CJUE d’une décision préjudicielle afin de savoir si les particuliers « peuvent solliciter une indemnisation de l’État pour des préjudices de santé résultant de dépassements des valeurs limites de concentration en NO2 et en PM10 fixées par les normes du droit de l’Union, et dans quelles conditions. Selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’un État membre méconnaît l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive, la pleine efficacité de cette norme de droit de l’Union impose un droit à réparation (arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, point 39) ». (Les directives européennes fixant des normes pour la qualité de l’air ambiant n’ont pas, comme telles, pour objet de conférer des droits aux particuliers dont la violation serait susceptible de leur ouvrir un droit à réparation (europa.eu).
Cependant, pour que cette responsabilité soit engagée, il faut que trois conditions soient réunies :
1/ La règle européenne violée octroie des droits directs aux particuliers.
2/ La violation de cette règle est suffisamment caractérisée.
3/ Il existe un lien de causalité direct entre la violation de la règle et les dommages subis.
En l’espèce, « la Cour relève que la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant, invoquée par JP, est entrée en vigueur le 11 juin 2008, soit en partie postérieurement aux préjudices de santé qui lui auraient été prétendument causés, lesquels auraient débuté en 2003. Ainsi, afin d’examiner l’éventuelle responsabilité de la République française pour les préjudices en cause, elle estime opportun de prendre en considération non seulement les dispositions pertinentes de cette directive, mais également celles des directives l’ayant précédée et prévoyant des exigences analogues » (CURIA – Documents (europa.eu).
La Cour estime que les directives sur la qualité de l’air ambiant ne confèrent pas de droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un Etat membre car ces textes ne comportent pas de dispositions attribuant explicitement des droits aux particuliers.
Toutefois, comme l’explique le communiqué de presse (Les directives européennes fixant des normes pour la qualité de l’air ambiant n’ont pas, comme telles, pour objet de conférer des droits aux particuliers dont la violation serait susceptible de leur ouvrir un droit à réparation (europa.eu) : « les particuliers doivent néanmoins pouvoir obtenir des autorités nationales, en saisissant éventuellement les juridictions compétentes, qu’elles adoptent les mesures requises en vertu des directives européennes, telles qu’un plan relatif à la qualité de l’air. Par ailleurs, cela n’exclut pas que la responsabilité de l’État puisse être engagée sur le fondement du droit interne, dans des conditions moins restrictives.
La Cour relève enfin que les juridictions d’un État membre peuvent éventuellement prononcer des injonctions assorties d’astreintes visant à assurer le respect, par cet État, des obligations découlant du droit de l’Union ».
Par Margaux Berthelard, juriste documentaliste