Le Conseil d’État vient de se prononcer dans l’affaire de la responsabilité de l’Etat en matière de pollution atmosphérique (CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n°394254).
Le Conseil d’État avait été saisi par l’association Les amis de la Terre qui s’était vue refuser par le précédent gouvernement, à l’été 2015, de nouvelles mesures contre la pollution atmosphérique, formulées après les demandes adressées par l’association Les amis de la Terre.
La décision annule “les décisions implicites du président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l’Environnement et de la Santé refusant (…) d’élaborer des plans conformes” à la Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1).
Cette décision concerne plus particulièrement douze zones, où la concentration de dioxyde d’azote (NOx) est supérieure aux limites de 2015 et trois où le dépassement de seuil concerne les particules fines PM10, étant précisé que la zone urbaine régionale (ZUR) Rhône-Alpes et Paris-Ile-de-France sont visées au titre des deux substances.
Les limites de ces deux polluants ont été fixées en 2008 par la directive européenne sur la qualité de l’air (cf. annexe XI).
Cette directive, transposée dans le code de l’environnement (principe figurant à l’article L. 221-1 ; valeurs limites à l’article R. 221-1), impose à la France de surveiller la qualité de l’air ambiant et fixe des valeurs limites en matière de concentration de polluants. Elle impose aux États membres notamment que ne soient pas dépassées des valeurs limites de concentration de polluants. Ainsi, il appartient à la France de limiter l’exposition de la population aux microparticules PM10 et fixe des valeurs limites d’exposition concernant la concentration annuelle (40 µg/m³). Par ailleurs, elle fixe une concentration journalière (50 µg/m³) qui ne doit pas être dépassée plus de 35 fois par an.
Le Conseil d’Etat, s’appuyant sur la jurisprudence de l’ONG ClientEarth de la Cour de justice de l’UE du 19 novembre 2014 (C‑404/13), juge que le dépassement persistant des valeurs limites de concentration en particules fines et en dioxyde d’azote dans plusieurs zones du territoire national méconnaît les dispositions du code de l’environnement transposant la directive sur la qualité de l’air ambiant.
Dans cet arrêt, la CJUE juge, d’une part, que la directive ne fixe pas une simple obligation de moyen mais une obligation de résultat et que, en conséquence, le seul fait d’établir un plan relatif à la qualité de l’air conforme à l’article 23 de la directive ne permet pas de considérer que l’Etat satisfait aux obligations de l’article 13, c’est-à-dire au respect des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère. D’autre part, elle indique que lorsqu’un Etat membre n’a pas assuré le respect de ces valeurs limites, il appartient à la juridiction nationale compétente, éventuellement saisie, de prendre, à l’égard de l’autorité nationale, toute mesure nécessaire, telle une injonction, afin que cette autorité établisse le plan exigé par ladite directive dans les conditions que celle-ci prévoit.
Dont acte, le Conseil d’État a ainsi demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites définies par le code de l’environnement (cf. notamment les articles L. 122-4, L. 122-5, L. 222-4 à L. 222-7, R. 122-17 et R. 222-13 à R. 222-36).
Le Conseil d’État constate d’abord que les plans de protection de l’atmosphère (PPA) établis dans les zones concernées n’ont pas permis d’assurer, dans un délai raisonnable, le respect des valeurs limites et en déduit que de nouvelles mesures doivent être prises afin que soient respectées les obligations fixées par la directive et reprises dans le code de l’environnement ; il annule en conséquence le refus de prendre des mesures supplémentaires (point 8).
Ainsi, le PPA « pour chacune des zones » concernées devra être élaboré « dans le délai le plus court possible ». Chacun des nouveaux plans devra être transmis à la Commission européenne avant le 31 mars 2018 (délai de 9 mois).
Dès lors, les préfets concernés vont devoir réviser en urgence les PPA d’ici cette échéance du 31 mars 2018. A noter que le ministre de la Transition écologique a déjà publié le 2 juillet un arrêté du 28 juin 2017 soumettant à examen au cas par cas les plans de protection de l’atmosphère (JO 2 juillet 2017), qui prévoit que les PPA ne sont pas des plans soumis à une évaluation environnementale systématique (examen au cas par cas, afin de déterminer, au regard de leur impact notable sur l’environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée) ; ce qui pourra sans doute permettre d’accélérer leur révision.
Rappelons également l’existence du contentieux communautaire entre la Commission européenne et la France en matière de pollution de l’air. Elle est, d’une part, poursuivie depuis mai 2011 devant la Cour de justice de l’UE pour dépassement des normes pour les PM10. En février dernier, l’exécutif européen a, d’autre part, adressé un dernier avertissement concernant la pollution par le dioxyde d’azote : Infractions continues aux limites en matière de pollution atmosphérique (IP/17/238)
D’autres mesures, telles que des mesures fiscales et des normes d’émissions plus strictes peuvent être mises en œuvre pour permettre le respect des valeurs limites et doivent également être prises pour accélérer une transition énergétique inévitable.
On rappellera enfin que la pollution aux particules entraîne 48.000 morts prématurées dans le pays, soit 9% de l’ensemble des décès chaque année, selon l’agence Santé Publique France.
Par Adrien Fourmon