Le 12 avril 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation se prononçait sur le point de départ du délai de prescription en matière de dépôt illégal de déchets.
Depuis la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de prescription des crimes passe de 10 à 20 ans, celui des délits de 3 à 6 ans tandis que le délai d’un an pour les contraventions est resté inchangé.
Les articles 7, 8 et 9 du code de procédure pénale énoncent que le point de départ du délai de prescription de ces trois catégories d’infractions court « à compter du jour où l’infraction a été commise ».
Or, en matière environnementale, il n’est pas rare que les pollutions soient découvertes bien après la commission des faits, au moment où la prescription est acquise, empêchant alors de poursuivre les auteurs d’infractions au code de l’environnement.
L’arrêt du 12 avril 2022 pose donc la question de savoir si, en cas de pollutions dissimulées, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour où l’infraction est commise ou au jour où l’infraction a été découverte.
En l’espèce, une association de défense de l’environnement découvrait sur l’un des sites exploités par une société que des déchets dangereux avaient été enfouis dans le sol. Cette première découverte amenait celle de déchets sur d’autres sites.
La société était alors poursuivie du chef d’abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux, pour avoir, entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, sur le territoire de plusieurs communes du Calvados, déversé des résidus de broyage automobile dans des sites non habilités pour les recevoir.
Le tribunal correctionnel constatait l’extinction de l’action publique du fait de la prescription et la cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation, confirmait le jugement. Celle-ci énonçait que « si, en principe, le point de départ doit être fixé au jour de la commission de l’infraction, il en va différemment en cas d’infractions occultes ou dissimulées ». Elle constatait alors que les déchets dangereux de résidus de broyage automobiles avaient été déposés sur différents sites entre mai 2002 et le 31 janvier 2006. Or, toujours selon la cour d’appel, « cette activité avait un caractère occulte se traduisant par la dissimulation du dépôt de ces déchets dangereux, certains étant enfouis comme sur le premier site visé par la plainte, d’autres dissimulés sous une quarantaine de centimètres de remblais, d’autres encore servant eux-mêmes de remblais sur un terrain destiné à être cultivé ». Elle en déduisait que le point de départ de la prescription devait être fixé au mois d’octobre 2008, date de la dénonciation des faits par l’association de défense de l’environnement.
La société formait un pourvoi en cassation, arguant de ce que le point de départ du délai de prescription courrait à compter du jour de la commission des faits.
La Cour de cassation n’y fut guère sensible. Elle rejetait le pourvoi, estimant que « le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l’infraction, qu’à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites ».
Par cette décision, la Cour de cassation allonge le délai de prescription en matière de dissimulation de dépôts de déchets dangereux et ce faisant, renforce l’effectivité de la répression des atteintes à l’environnement.
Par Adra Zouhal, docteure en droit et élève-avocate.