Avocate emblématique, ex-ministre de l’Environnement dans les gouvernements d’Alain Juppé, députée européenne puis candidate à l’élection présidentielle, Corinne Lepage a œuvré tout au long de sa carrière à la construction de la notion de « justice climatique ». Interview d’une pionnière. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune – N°6 Octobre 2021)
Propos recueillis par Laurent-David Samama – 20 Déc 2021, 18:58
Corine Lepage, avocate et ancienne ministre de l’Environnement (Crédits : DR)
S’il fallait donner une définition de la notion de justice climatique, laquelle serait-elle ?
C’est une notion désormais assez généralement répandue qui recouvre tous les procès dans le monde qui sont intentés autour du thème du climat. Ces procès peuvent avoir des objets divers. Cela peut être de reprocher à un État de ne pas en faire assez, de reprocher à un État de ne pas avoir pris de mesures de prévention suffisantes en cas de catastrophe climatique, de ne pas avoir mis en place de mesure d’adaptation des règlements climatiques. Ce sont également des procès qui peuvent toucher des entreprises parce qu’elles sont responsables, pour une part, du dérèglement climatique, le tout en s’appuyant sur des rapports. Je songe spécialement à un récent rapport américain qui a calculé ce que les cent premiers pollueurs représentaient. La notion de justice climatique s’étend également à un cas comme le procès Shell, aux Pays Bas, dans lequel on a demandé à l’entreprise en question de baisser carrément ses émissions de gaz à effet de serre. C’est cet ensemble-là. Vous y ajoutez les recours contre des projets qui vont être émetteurs de gaz à effet de serre. C’est par exemple le cas pour l’extension de la piste de l’aéroport Heathrow, en Angleterre. Et vous avez la panoplie de procédures qui sont aujourd’hui considérées comme appartenant à la catégorie « justice climatique ».
Le droit de l’environnement, avant votre action et celle de votre mari Christian Huglo avec qui vous avez co-écrit votre dernier ouvrage Nos batailles pour l’environnement, 50 procès, 50 ans de combat aux éditions Actes Sud, cela n’existait pas ou peu. Comment avez-vous fait concrètement pour faire émerger cette notion-là ?
Dans notre livre, nous distinguons trois époques permettant d’aboutir à la situation que l’on vient de décrire, celle de la justice climatique. Or, dans les premiers temps, il n’y avait rien de prévu à cet effet. C’était essentiellement le droit commun – c’est-à-dire le droit de tous – que l’on appliquait à des situations pour lesquelles celui-ci n’avait pas véritablement été pensé. C’est comme cela que l’on a, très concrètement, commencé. À cette époque, il fallait juste un peu d’imagination. Mais ça, vous savez, c’est le travail de l’avocat ! (rires)
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