Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt le 21 mars 2022 (6ème et 5ème chambres réunies, n°440871). Il a rejeté le recours contre le décret du 8 avril 2020 autorisant les préfets à prendre des décisions non règlementaires non conformes au droit applicable en raison de circonstances locales. Plusieurs décisions de sa part ont été rendues à ce sujet débattu mais finalement clos par l’arrêt en question.
Pour le Conseil d’Etat, ce pouvoir de dérogation ne peut conduire les préfets à décider de dérogations qu’afin d’alléger les démarches administratives, réduire les délais de procédure et favoriser l’accès aux aides publiques car pour lui de telles dérogations ne peuvent intervenir que dans les matières limitativement énumérées à l’article 1er du décret.
Ensuite, les dérogations doivent être justifiées par l’intérêt général et n’être accordées que dans le respect des normes juridiques supérieures, comme être « justifiées par un motif d’intérêt général ». Elles ne doivent pas porter atteinte « aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens », ni « une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ». Ces dérogations ne peuvent être accordées que « si et dans la mesure où des circonstances locales justifient qu’il soit dérogé aux normes applicables, sans permettre aux préfets, dans le ressort territorial de leur action, de traiter différemment des situations locales analogues ».
C’est sans doute là que le texte pose un problème, comme l’avait montré le Professeur Thomas Perroud dans une étude publiée au Dalloz du 4 décembre 2020. Une telle réforme aurait dû être envisagée dans le cadre d’une réforme de la Constitution mais certainement pas dans un cadre règlementaire.
En second lieu, il se heurte au principe d’égalité, ce que le Conseil d’Etat rejette car l’arrêt dit que cette refonte ne permet pas de s’appliquer différemment dans un même département. En réalité, que dire de l’application de la refonte des préfets face à l’attitude de ceux qui seraient « dérogateurs » ou « rigoristes ». C’est l’application nationale qui est en cause.
Reste par facétie une dernière question : le Conseil d’Etat considère que le ministre de l’Environnement n’était pas tenu de contresigner ce décret, est-ce à dire qu’il serait dispensé de l’appliquer ?
Par Christian Huglo
Docteur en droit et avocat associé fondateur du cabinet Huglo Lepage Avocats