Arrêt du Tribunal de l’Union européenne (sixième chambre élargie) du 14 septembre 2022 (T.371/20 et T-554/20, Pollinis France c. Commission européenne)
Par un arrêt du 14 septembre 2022 rendu dans les affaires jointes T‑371/20 et T‑554/20 et sur deux requêtes de l’association Pollinis France, représentée par Mes Corinne Lepage et Théophile Bégel, du cabinet Huglo Lepage Avocats, le Tribunal de l’Union Européenne (sixième chambre élargie) a donné raison à l’association environnementale ayant pour objet la protection des abeilles sauvages et communes et la promotion d’une agriculture durable afin de préserver les pollinisateurs, en annulant les décisions de la Commission européenne qui avaient refusé à cette association l’accès à certains documents concernant le document d’orientation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur l’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour les abeilles, adopté par l’EFSA le 27 juin 2013.
Alors que les effets négatifs des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles sont scientifiquement prouvés, et malgré l’urgence écologique et de sécurité alimentaire liée au déclin dramatique des abeilles et autres pollinisateurs en Europe, ce document d’orientation de l’EFSA n’a toujours pas été entériné au niveau de l’UE depuis 2013, en raison de l’absence d’accord entre les États membres au sein du comité permanent. L’objectif de la démarche de cette association était donc de comprendre les raisons pour lesquelles un document aussi fondamental pour la protection de l’environnement faisait l’objet d’un blocage depuis presque dix ans au sein de ce comité.
Pour refuser l’accès à ces documents à la requérante, la Commission européenne s’était principalement fondée sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, prévoyant que le droit d’accès aux documents des institutions de l’UE peut être refusé lorsqu’une telle communication est susceptible de porter atteinte à la protection du processus décisionnel de l’institution concernée.
Rappelant la jurisprudence selon laquelle la mise en œuvre de cette exception est subordonnée à la démonstration d’un risque d’atteinte « raisonnablement prévisible et non purement hypothétique », le Tribunal de l’Union européenne a considéré, dans les faits de l’espèce, que la Commission européenne avait échoué à faire état de raisons objectives permettant de prévoir raisonnablement que de telles atteintes surviendraient en cas de divulgation des documents demandés.
L’arrêt rendu par le juge européen est également intéressant en ce qu’il établit une distinction précise en ce qu’il convient de considérer comme un processus décisionnel « en cours » ou « achevé », pour l’interprétation des dispositions de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, rappelant que lorsque le processus décisionnel est achevé, une institution de l’UE ne peut user de l’exception au droit à l’accès à des documents que dans des conditions d’autant plus restreintes.
Maître Théophile Bégel, avocat au sein du cabinet Huglo Lepage Avocats