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[Le gouvernement dispose de deux mois pour régler la question des distances d’épandage des pesticides : Conseil d’Etat, 22 décembre 2022, Association Générations futures et autres, n°462352]

Victoire pour huit associations environnementales : le gouvernement a été condamné par le Conseil d’Etat en raison de l’insuffisance des dispositions prises pour protéger les riverains de l’épandage des pesticides. 

Antérieurement à l’arrêt commenté ici, les juges du Palais Royal avaient procédé à l’annulation de l’article 8 de l’arrêté du 27 décembre 2019 qui prévoyait des distances de sécurité insuffisantes pour l’épandage de produits phytosanitaires classés CMR 2. Ils avaient enjoint au gouvernement de prendre des mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois.

Plusieurs textes modificatifs avaient alors été adoptés pour répondre aux griefs des juges, mais le décret et l’arrêté du 25 janvier 2022 ne contenaient pas de disposition relative aux CMR 2. Une clause de revoyure avait été fixée à octobre 2022. Mais cela n’avait toujours pas convaincu les juges et les associations.     

Ainsi, par son arrêt du 22 décembre 2022, le Conseil d’Etat a accordé au gouvernement un délai de deux mois afin de fixer les distances d’épandage des produits phytosanitaires susceptibles d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. L’objectif est que les distances d’épandage des produits CMR 2 ne soient plus définies par défaut à 10 mètres. (FilDP | Produits phytosanitaires classés CMR 2)

En effet, la juridiction relève qu’”eu égard à l’importance qui s’attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l’Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d’exécution en termes de santé publique et à l’urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer à l’encontre de l’Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu’à la date à laquelle la décision du 26 juillet 2021 aura entièrement reçu exécution“.

Le Conseil d’Etat pointe particulièrement du doigt « la gravité des conséquences pour la santé publique ».  En 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait indiqué l’existence d’une relation entre une exposition professionnelle aux produits sanitaires et le développement de trois types de cancers (lymphomes non hodgkiniens, cancer de la prostate et myélomes multiples) et de la maladie de Parkinson. En 2021, l’Inserm avait également ajouté à la liste certains troubles cognitifs et la BPCO. (Epandage de pesticides : le Conseil d’Etat impose au gouvernement d’étendre les distances de sécurité avec les habitations (latribune.fr)

François Lafforgue, l’avocat des requérants, a affirmé à l’AFP que « l’Etat a fait miroiter l’adoption de textes (réglementaires) concernant ces “CMR 2” mais cela n’a pas été fait pour le moment (…) Depuis 2017, les associations et organisations requérantes ne cessent d’engager des recours pour obtenir une meilleure protection des riverains et des travailleurs au contact des pesticides. Elles ont obtenu trois décisions du Conseil d’Etat – en 2019, 2021 et 2022 – et malgré cela le gouvernement n’agit toujours pas suffisamment efficacement ».

Henri Busnel, membre du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, s’est également prononcé : « Une 3ème fois, le Conseil d’État nous donne raison face au Gouvernement, mais cette fois-ci, il pose des limites plus fortes. Nous attendons du gouvernement qu’il prenne enfin les mesures qui s’imposent avant les épandages de printemps. On espère que la santé des populations sera prise en compte, car il y a de plus en plus de malades à cause de la pollution dans l’air et dans l’eau due aux pesticides ». (Épandage de pesticides :3ᵉ victoire du collectif des victimes de pesticides de l’ouest devant le Conseil d’État. Le gouvernement va-t-il agir ? (francetvinfo.fr)

Par Margaux Berthelard, juriste documentaliste