En l’espèce, cinq associations (Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS)) avaient engagé la responsabilité pour faute de l’Etat en raison du préjudice écologique causé à la biodiversité et à la biomasse par les carences de ce dernier en matière d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ainsi que du réexamen des autorisations et de la protection de la biodiversité contre les effets de ces produits.
Les associations demanderesses réclamaient ainsi la fin de ces carences fautives, la réparation du préjudice ainsi qu’une injonction de révision du processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
Le Tribunal a reconnu l’existence d’un préjudice écologique « résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques » et a admis qu’il existait un lien entre cette contamination et la perte de biodiversité et de biomasse.
Bien que la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché soit encadrée par le droit européen, les Etats membres disposent d’une marge de manœuvre suffisante pour pouvoir adapter cette procédure aux exigences nationales, notamment pour des raisons environnementales. En raison de cela, et en se basant sur des évaluations convergentes de l’INRAE, de l’IFREMER et de l’OPECST, le tribunal a reconnu une carence fautive de l’Etat de nature à engager sa responsabilité.
La faute de l’Etat a ainsi été reconnue en ce qui concerne la méconnaissance des objectifs qu’il s’était fixé en matière de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques, et en ce qui concerne son obligation de protection des eaux souterraines.
Toutefois, la faute de l’Etat n’a pas été reconnue concernant la mise en place des modalités d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, les insuffisances de la procédure de suivi et de surveillance des effets desdits produits, le manque d’indépendance de l’ANSES et le non-respect des objectifs fixés à 15 ans par la directive-cadre sur l’eau, repris à l’article L. 212-1 du code de l’environnement.
Le Tribunal rejette donc la demande des associations en ce qui concerne la révision de la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché.
Néanmoins, le Tribunal enjoint le Gouvernement de prendre toutes les mesures utiles pour réparer le préjudice écologique causé par ses fautes. Il est laissé un an, jusqu’au 30 juin 2024, à l’Etat pour s’exécuter.
1 euro symbolique est versé à chaque association au titre du préjudice moral ainsi que 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par François Piazza, juriste stagiaire