La loi industrie verte a été considérablement renforcée après son vote par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Cette loi est construite autour de trois titres abordant des questions extrêmement diverses à savoir :
- L’industrie stricto sensu ;
- La commande publique ;
- Le financement.
Nul ne sera donc étonné que de très nombreux textes et codes soient modifiés par cette loi.
Le titre premier concerne les mesures destinées à faciliter et à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches.
Ce titre premier est lui-même divisé en chapitre dont la lecture est rendue extrêmement délicate dans la mesure où une phrase, un paragraphe voire un mot sont modifiés dans de très nombreux textes.
Le chapitre premier est consacré à la planification industrielle, le second à la procédure de consultation du public, le troisième au développement de l’économie circulaire, « ce qui est un titre en trompe l’œil », le chapitre 4 à la réhabilitation des friches pour un usage industriel, le chapitre 5 à la facilitation et l’accélération de l’implantation d’industries vertes.
A. La planification industrielle
Tout d’abord, le texte introduit dans le Code général des collectivités territoriales une modification de l’article L.4251-1 de manière à intégrer l’objectif de développement industriel dans les STRADDET, au plus tard lors de la procédure de modification prévue à l’article 83 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique.
Ces objectifs de développement industriel vont s’intégrer dans la stratégie nationale pour une industrie verte que l’État aura à élaborer pour la période 2023 – 2030. Son objectif est de déterminer les filières stratégiques à implanter ou développer, de favoriser la recherche et l’expérimentation de nouveaux produits et procédés, de recenser les besoins nationaux en matériaux et en produits et de préciser les besoins en formation professionnelle ainsi que les besoins énergétiques.
Enfin, le Code de l’urbanisme est légèrement modifié pour permettre l’intégration de la facilitation des projets d’implantation industrielle dans différents documents d’urbanisme.
B. « Modernisation des procédures de consultation du public ».
Il faut bien comprendre que sous ce vocable apparemment très positif se cache en réalité une nouvelle réduction de la démocratie environnementale.
Une participation du public amoindrie
Ce texte crée une nouvelle forme de participation du public qui vient s’ajouter à celles qui étaient déjà énumérées à l’article L.123-1-a du Code de l’environnement pour réduire encore le champ d’enquête publique.
Cette nouvelle procédure, créée par l’article L.181-10-1, se situe à mi-chemin entre l’enquête publique et la consultation électronique. Dès la réception du dossier, l’autorité administrative doit demander au Président du tribunal administratif de désigner un commissaire enquêteur ou une commission d’enquête chargée de suivre la consultation du public. La première consultation du public est organisée dès que le dossier est jugé complet et régulier, sauf si la demande a été rejetée.
L’objectif affirmé est d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers dans l’élaboration de la décision. Les observations doivent être prises en considération par le maître d’ouvrage ou par l’autorité compétente.
Le dossier de consultation est mis à disposition du public y compris l’étude d’impact, au plus tard à l’ouverture de la consultation. Celle-ci est conduite par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête pour permettre au public d’avoir une information complète.
Une réunion publique d’ouverture est organisée dans les 15 jours à compter du début de la consultation et le public peut faire parvenir ses observations et ses propositions pendant toute la durée de la consultation par voie électronique ; les réponses du pétitionnaire sont mises en ligne dans les mêmes conditions.
Dans les 15 derniers jours de la consultation du public, une nouvelle réunion publique de clôture est organisée avec la participation du pétitionnaire. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête rend son rapport et ses conclusions motivées après concertation avec le pétitionnaire dans un délai de 3 semaines à compter de la clôture de la consultation. Ce rapport fait état des principaux éléments relatifs au projet, comporte une synthèse des observations et des propositions du public et des réponses du pétitionnaire. En revanche, il n’y a aucun avis exprimé par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête. La décision ne peut pas être adoptée avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions formulées par le commissaire enquêteur.
Cette nouvelle procédure de l’article L.181-10-1 est substituée à l’enquête publique prévue pour les évaluations environnementales.
Les recours formés contre les décisions prise en application de l’article L.181-17, c’est-à-dire contre l’autorisation environnementale, contre les modifications substantielles ou notables, ou contre un changement de bénéficiaire, qui traduiraient un comportement abusif et causerait un préjudice aux bénéficiaires de l’autorisation ouvrent la voie à une condamnation à des dommages et intérêts, cette demande pouvant être formulée pour la première fois en appel.
La seconde modification concerne l’organisation des procédures lorsque plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement de ce type relèvent de la commission nationale du débat public. En effet, est mis en place le débat public global où une concertation préalable globale peut être organisée, ce qui permet une dispense de débat public propre à chaque projet et ce qui constitue bien entendu une régression car il est très difficile d’examiner dans une concertation globale un ensemble de projets, à fortiori s’agissant de projets envisagés dans les 8 années à venir et qui généralement sont encore dans un état totalement virtuel.
Un point en faveur de l’environnement : un nouvel article L.123-1-b est créé qui permet au Juge des référés d’ordonner la suspension d’une décision si la participation du public sous l’une des formes mentionnées à l’article L.123-1-a n’a pas eu lieu alors qu’elle était nécessaire.
C. Le quatrième chapitre concerne la réhabilitation des friches pour un usage industriel.
Tout d’abord, la question très délicate de l’usage futur du site lors de la cessation d’activité. Si l’usage retenu, qui est un usage comparable à celui des installations pour lesquelles une autorisation est demandée, parait insuffisant aux autorités locales au regard de l’usage futur de la zone, le représentant de l’État peut fixer des règles de réhabilitation plus contraignantes. Ce système est valable pour les autorisations comme pour les enregistrements mis en œuvre.
Le système d’attestation par une entreprise certifiée, des mesures relatives à la mise en sécurité du site et de l’adéquation des mesures proposées peut être appliqué pour les cessations d’activités antérieures au 1er juin 2022 et ce jusqu’au 1er janvier 2026.
La procédure de tiers intéressée peut également fonctionner en cas de future cessation d’activité.
Les dispositions spécifiques prévues à l’article 11 s’agissant du potentiel du développement des ENR sur les voies navigablesprévoient une stratégie pluriannuelle de voies navigables à énergie positive, accompagnée le cas échéant, des modalités de partage de valeurs au bénéfice des collectivités territoriales qui contribuent aux charges de gestion du domaine public fluvial.
Enfin, l’article 14 permet de prononcer une astreinte et même une amende qui peut aller jusqu’à 45 000 € pour que soient réalisés les travaux de remise en état.
Les nouveaux mécanismes de compensation
La création de « ces crédits compensation » permet à toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation, d’utiliser ou d’acquérir les unités de compensation de restauration ou de renaturation. Ils peuvent donner lieu à l’attribution de crédit carbone au titre du label bas carbone lorsqu’ils respectent les principes fixés par l’article L.229-55 du code de l’environnement et la méthode de ce label.
Le chapitre 5 concerne l’accélération et la facilitation de l’implantation d’industries vertes
Déclaration de projet d’intérêt général. Tout d’abord, l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme est modifié pour énumérer de manière plus précise les objets de projets possibles d’une déclaration de projet sur l’intérêt général. Il s’agit :
– d’une action ou d’une opération d’aménagement ;
– de la réalisation d’un programme de construction ;
– de l’implantation d’une installation de production d’ENR, d’une installation de stockage d’électricité, d’une installation de production à l’hydrogène renouvelable ou bas carbone y compris les ouvrages de raccordement ou d’un ouvrage de réseaux public de transport et de distribution d’électricité ;
– de l’implantation d’une installation industrielle, de fabrication d’assemblage ou de recyclage des produits ou des équipements qui participent aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable y compris des entrepôts de logistiques ;
– enfin de l’implantation d’une installation de recherche et de développement ou d’expérimentation de nouveaux produits ou procédés participant aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable.
Cette catégorie permet de considérer que le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, reconnaissance qui ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration de projet et qui ne peut plus être contestée à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation espèce protégée.
Il s’agit là évidemment d’une chausse-trappe en termes de recevabilité des recours.
Les projets d’intérêt national majeur
La seconde catégorie est créée par l’article 19, il s’agit du projet d’intérêt national majeur dont la qualité est décernée par décret. Il s’agit d’un projet industriel qui, au regard de son objet et de son envergure en termes d’investissement ou d’emploi revêt une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.
Dans ce cas, la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme est conduite par l’État après accord préalable du maire de la commune, lequel est réputé favorable s’il n’est pas émis dans le délai d’un mois.
La réponse de la commune ou de l’EPCI l’emporte sur celle de la région en cas d’avis contradictoire. Les documents d’urbanisme, STRADDET, schémas d’aménagement régional, schéma de cohérence territoriale PLU, carte communale doivent être modifiés pour permettre la réalisation de ce projet par une procédure allégée prévue au même article. Il s’agit en réalité d’une évaluation environnementale très allégée si elle est nécessaire ; la participation du public est celle de l’article L.123-19 c’est-à-dire participation par voie électronique.
De plus, un projet industriel d’intérêt public majeur peut se voir reconnaître le caractère de raison impérative d’intérêt public majeur. Cette reconnaissance ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours dirigé contre le décret, et non contre l’acte accordant la dérogation.
Les grandes opérations d’urbanisme
Des dispositions particulières sont prévues pour les grandes opérations d’urbanisme au sens de l’article L.312-3 du Code de l’urbanisme comportant la transformation d’une zone d’activité économique pour favoriser la mixité fonctionnelle au profit d’implantations industrielles qui ne sont pas soumises à une autorisation d’exploitation commerciale.
Dans ce cas, les regroupements de surface de vente de magasins ne sont pas soumis à une telle autorisation s’il n’y a pas de création de surface de vente supplémentaire ; les dérogations au PLU peuvent être autorisées et le droit de préemption peut être instauré par délibération du Conseil municipal pour ce type d’opération.
Toutefois la compétence pour délivrer les permis de construire, d’aménager ou de démolir ou pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est celle du préfet.
II Le titre 2 concerne la commande publique.
III Le titre 3 est relatif au financement de l’industrie verte.
Les assurances-vie
L’article 32 modifie le code des assurances dans son article L.131-1-2 pour intégrer dans les assurances vie entre 5 et 10 % du titre émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale, par des sociétés de capital-risque visées à l’article 1er 1 de la loi du 11 juillet 1985 et des fonds communs de placement dont 40 % des titres émis le sont par des entreprises solidaires, des titres bénéficiant du label reconnu par l’État, au titre du financement de la transition énergétique ou écologique.
Introduction du critère de durabilité
Le code monétaire et financier est modifié dans son article L.224-29 pour introduire après le mot « rendement », les mots « de ces objectifs d’investissement y compris ceux concernant ces éventuelles préférences en matière de durabilité ».
Ce même code est modifié dans son article L.141-6 pour permettre à la Banque de France de se faire communiquer par les entreprises non financières tout documents et renseignements y compris les données nécessaires à la compréhension des impacts, des risques, les opportunités de leurs activités au regard des enjeux de durabilité.
Le plan d’épargne avenir-climat
En troisième lieu, un plan d’épargne avenir climat est créé pour les jeunes de moins de 21 ans. Ce plan est destiné à recevoir des versements en numéraire dans la limite d’un plafond. Les versements sont affectés à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de la transition écologique.
Des dispositions spécifiques sont prévues pour la Nouvelle-Calédonie, les Wallis et Futuna et la Polynésie française.
Fonds ELTIF
L’article 35 modifie le code des assurances pour créer, en application du règlement communautaire du 29 avril 2015 des fonds dénommés ELTIF, c’est-à-dire d’investissement à long terme, cet agrément ELTIF permet d’avoir des conditions plus favorables pour les fonds communs de placement à risque.
Le mandat d’arbitrage de contrat d’assurances
Par ailleurs, le texte comporte la création d’un mandat d’arbitrage de contrat d’assurance vie, d’assurance sur la vie et de capitalisation. Une section est créée dans le code des assurances sur ce sujet. Un certain nombre de dispositions concernent le fonctionnement des fonds communs de placement à risque.
Le texte renvoie in fine à une ordonnance le soin de préciser les règles relatives aux placements collectifs ; émissions de titres financiers et à la constitution de fonds professionnels spécialisés pour faciliter leur obtention de la dénomination ELTIF, les règles relatives à la composition et à la constitution des fonds d’investissements alternatifs.
En conclusion, ce texte très touffu, très disparate comporte incontestablement des mesures de nature à faciliter le développement industriel.
Toutefois, il comporte deux erreurs graves :
– tout d’abord celle de croire que c’est en réduisant les droits des citoyens, que ce soit à la participation ou au recours, que sont simplifiées les procédures. Outre le fait qu’il n’est pas tout à fait certain que la convention d’Aarhus soit parfaitement respectée, il est en revanche probable que l’acceptabilité, qui est un élément essentiel d’accélération des procédures, y gagne.
– Le chapitre sur la prétendue économie circulaire, qui ne vise en réalité qu’à permettre la sortie du statut de déchets dangereux, en violation du droit communautaire et pour complaire à l’industrie chimique, ne peut à ce stade être considéré comme écrit dans le marbre. La suite de l’histoire est à écrire.
Corinne LEPAGE, Avocate fondatrice du cabinet Huglo Lepage Avocats et ancienne ministre de l’Environnement