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[Le Conseil d’Etat est à nouveau saisi de la question des distances d’épandage]

Par un arrêt en date du 26 juillet 2021, Collectif des maires antipesticides et autres, le Conseil d’Etat avait partiellement annulé le décret et l’arrêté du 27 décembre 2019, fixant les règles d’élaboration des chartes et les distances minimales que devaient respecter les agriculteurs par rapport aux habitations et lieux de vie pour épandre des pesticides dont certains sont reconnus comme cancérigènes.

Cet arrêt faisait suite à un premier arrêt en date du 26 juin 2019, par lequel le Haut Conseil avait censuré un arrêté du ministre de l’Agriculture fixant les règles d’épandage et dans lesquelles les voisins avaient été totalement oubliés.

On rappellera que, dans la législation communautaire, la situation des riverains est de plus en plus assimilée à celle des professionnels en termes d’exposition aux risques. Mais si les seconds doivent prendre d’extrêmes mesures de protection et en particulier ne pas revenir sur les champs traités avant 48h, les voisins ne faisaient l’objet d’aucune protection. D’où l’introduction dans le décret et l’arrêté de décembre 2019 de distances ridiculement réduites et qui pouvaient l’être encore davantage grâce à des chartes dont les conditions d’élaboration ont été jugées inconstitutionnelles par le Conseil Constitutionnel.

Le Conseil d’Etat avait donc tiré les conséquences de cette situation en annulant partiellement les textes et en donnant un délai de 6 mois au Gouvernement pour revoir sa copie et respecter une distance d’épandage de 20 mètres.

Ce que le Gouvernement a refusé de faire à l’évidence.

Malgré la sortie de deux rapports, dont un de l’INSERM très sévère sur l’impact sanitaire des pesticides en général et du glyphosate en particulier, le Gouvernement a refusé de réglementer la question des distances, refusant de protéger la population, et s’en remettant à l’intervention de l’ANSES sur le sujet. Mais un tel rapport de l’ANSES n’est attendu que pour la fin d’année.

Le gouvernement se dérobe ici à l’obligation de réglementer posée par le Conseil d’Etat dans sa décision de juillet 2021 et laisse les riverains de lieux d’épandage dans une situation précaire sur le plan sanitaire.

C’est une inversion totale du principe de précaution qui résulte ici de la carence du Gouvernement, qui aurait dû agir d’une part pour satisfaire à l’injonction du Conseil d’Etat mais, d’autre part, pour tenir compte des divers avis émis pendant la concertation du public.

Par ailleurs, la nouvelle réglementation n’assure pas une participation honnête des associations et des collectivités à l’élaboration des chartes qui restent ridicules.

Les requérants, qui n’ont pas vu l’arrêt du conseil d’Etat de juillet appliqué, ont donc à nouveau saisi la Haute Assemblée.

Jusqu’à quand la santé des voisins, et plus généralement des consommateurs, devra-t-elle être tenue pour quantité négligeable, alors que les données scientifiques publiques sont des plus accablantes ?

Par Maitre Corinne Lepage et Maitre Madeleine Babès