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[Tribunal administratif Poitiers, 11 avril 2023, n° 1800400, 2002802, 2201761 – Méga-bassines : histoire de l’appropriation d’un bien commun]

Par un jugement du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les requêtes déposées par plusieurs associations de défense de l’environnement contre les arrêtés préfectoraux autorisant la construction et le remplissage de plusieurs réserves de substitution dans les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Charente-Maritime.

Pour ce faire, le tribunal a d’abord écarté toute l’argumentation des associations requérantes déjà soulevée à l’encontre des deux précédents arrêtés d’autorisation ainsi que ceux des nouveaux moyens qui n’étaient pas fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation ayant conduit à l’adoption de l’arrêté du 22 mars 2022.

Il a ensuite rejeté le moyen selon lequel les modifications contenues dans le nouvel arrêté auraient dû entraîner une reprise intégrale de la procédure d’autorisation environnementale en prétendant qu’aucun danger ou inconvénient significatif pour la ressource en eau et pour le milieu naturel ne pouvait être caractérisé.

Le tribunal n’a pas non plus jugé insuffisantes ou dépourvues de pertinence les informations données, en vertu d’une obligation légale, par le SCAGE des Deux-Sèvres sur les impacts des modifications apportées au projet, sur la base de simulations de leurs effets hydrogéologiques effectuées par le Bureau national de recherche géologique et minière (BRGM).

Enfin, le tribunal n’a pas retenu les critiques de fond développées par les associations requérantes en relevant, à titre principal, que les nouveaux volumes de prélèvement d’eau pour les neuf réserves ayant fait l’objet d’un sursis à statuer ont été définis conformément à l’interprétation des dispositions du SAGE qu’il avait faite dans son jugement du 27 mai 2021, en ce qui concerne tant leur niveau annuel maximal que la période de référence.

On ne peut que déplorer une telle décision qui, d’une part, entérine un projet reposant sur un rapport du BRGM qui ne prend pas en compte le dérèglement climatique ainsi que ses impacts futurs mais uniquement une période de dix ans s’étalant de l’année 2000 à 2011 et non-représentative des années à venir.

Cette décision fait également fi du 6ème rapport du GIEC dans lequel le groupe d’experts rappelle dans son chapitre consacré à la gestion de l’eau (p. 1833) que :

« Les réservoirs sont coûteux, ont des impacts environnementaux négatifs et ne seront pas suffisants partout au-delà de certains niveaux de réchauffement climatique ».

Les réserves d’eau artificielles sont aussi critiquées par le GIEC pour leur possible effet délétère sur les nappes phréatiques et en raison du risque d’évaporation lié au stockage à l’air libre de l’eau.

D’autre part, on ne peut que regretter que le tribunal ne se soit pas prononcé sur l’absence du dépôt d’une demande de dérogation « espèces protégées » alors que le porteur de projet aurait dû solliciter de la part des services de l’Etat une telle dérogation en application de l’avis du 9 décembre 2022 du Conseil d’Etat. En effet, la méga-bassine de Sainte-Soline sonnera très probablement le glas de l’outarde canepetière, seule espèce du genre Tetrax et l’un des oiseaux les plus menacés des plaines cultivées de France.

Par Guillaume Cornu, élève-avocat