Cette semaine, un jugement a été rendu par le tribunal administratif d’Amiens le 4 février 2021 (ROSO requête 190 17 91). Il retiendra l’attention à la fois du monde associatif et des collectivités territoriales.
L’espèce est pourtant assez simple et classique. L’association Le roseau avait demandé que soit condamné le syndicat intercommunal d’Ully-Saint-Georges à lui verser la somme de 18 000 € en raison de son préjudice subi du fait de la mauvaise qualité des eaux de captage. Ces eaux présentaient une concentration trop élevée en atrazine-déséthyl. L’association demandait qu’il soit enjoint au syndicat de créer un comité de suivi tel que cela était déjà prévu par l’arrêté préfectoral du 3 avril 2014 relatif à la mise en œuvre du programme d’action sur la zone de protection de l’augmentation de captage.
Le tribunal administratif, prenant acte de ce que l’arrêté préfectoral de 2014 n’avait pas été exécuté et que le comité de suivi prévu n’avait même pas été mis en place, a reconnu la responsabilité du syndicat intercommunal dans sa gestion de l’eau potable. Ce qui est reproché ici n’est pas un manquement à l’obligation de résultat mais bien à l’obligation de moyens.
Toutefois, il n’est concrètement pas certain que la mise en place dudit comité aurait eu quelque effet sur la dépollution. Pour autant, ce jugement rappelle que l’obligation de livrer une eau potable de bonne qualité repose bien sur les collectivités territoriales. Cela est parfaitement conforme à la loi mais n’épuise évidemment pas le sujet.
En effet, si l’atrazine est encore présente dans les eaux alors que ce produit a été interdit il y a plus de 20 ans, c’est bien qu’il n’est pas biodégradable et qu’en réalité, il n’aurait jamais dû être autorisé.
Or, l’autorisation d’usage a été donnée par l’État lui-même. L’Etat a également autorisé le maintien de cette autorisation malgré de multiples demandes de retrait. Or, la prise en charge des conséquences de cette situation revient aux collectivités territoriales, ce qui pose incontestablement un problème. Du reste, on rappellera qu’en Bretagne, l’État avait finalement dû prendre en charge le coût d’acquisition de bouteilles d’eau pour les consommateurs contraints de se passer de l’eau du robinet à cause de la présence de nitrates.
Quant aux associations, elles n’ont obtenu que 2000 euros sur les 18000€ réclamés au titre du préjudice moral exclusivement. Cela signifie que le tribunal a refusé de prendre en considération le préjudice écologique. En outre, la rédaction du jugement ne permet pas de savoir si la réparation du préjudice écologique a été réclamée ni sous quelle forme.
Le vrai sujet est en fin de compte celui de la qualité de l’eau et de sa remise en état. La limitation du débat à la constitution ou non du comité de suivi est très en deçà de ce que l’on pourrait espérer pour revenir à un bon état écologique de nos eaux, ce qui, rappelons-le, devrait être acquis depuis 2015…
Corinne Lepage, Avocate et ex-ministre de l’Environnement