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[Intégration du gaz et du nucléaire dans la taxonomie européenne : synthèse de l’article de Corinne Lepage intitulé « Le dilemme du nucléaire et de la taxonomie européenne »]

La taxonomie, bien que présentée comme un sujet politique, est un sujet juridique avec des critères fixés pour définir ce qu’est une « activité verte » : ce sont des critères permettant d’établir la « durabilité environnementale d’une activité ». Cette taxonomie a pour objectifs de réduire la pollution, de lutter et de s’adapter au changement climatique, de protéger et restaurer la biodiversité.

Or, décision surprenante, la Commission européenne vient d’inclure le nucléaire et le gaz dans la taxonomie. Elle s’est prononcée sur l’acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques de la taxonomie. Certaines activités du gaz et du nucléaire sont désormais qualifiées “d’activités transitoires” depuis le mercredi 2 février 2022 « sous réserve de certaines limites et de périodes d’élimination progressive clairement définies ».

La Commission estime en effet que : “Les activités gazières et nucléaires sélectionnées sont conformes aux objectifs climatiques et environnementaux de l’UE et nous permettront de délaisser plus rapidement des activités plus polluantes, telles que les centrales à charbon, au profit d’un avenir neutre pour le climat, où seront essentiellement utilisées des sources d’énergie renouvelables”.

Mais cela questionne. Est-il réellement possible de considérer que le nucléaire et le gaz répondent tous deux aux critères de la taxonomie verte ? Pour cela, il faudrait dans un premier temps considérer que ces deux secteurs peuvent être classés dans la catégorie des énergies en transition, et dans un second temps, il faudrait que cela ne nuise pas aux autres objectifs de l’investissement durable.

Si le nucléaire est effectivement peu émetteur de carbone, il existe « des alternatives viables à intensité de carbone quasi nulle ». Cela l’exclut théoriquement de facto des énergies de transition. En outre, le nucléaire porte atteinte aux développements de solutions de remplacement, car toutes les sommes investies dans ce secteur ne le sont pas dans les énergies renouvelables. Le premier critère n’est donc pas rempli.

Concernant le second critère, le nucléaire notamment provoque de forts impacts environnementaux, il n’est donc pas possible de considérer que cela ne nuise pas aux cinq autres objectifs contenus dans les appendices de l’acte délégué du 9 décembre 2021, et ce même si des conditions ont été ajoutées par la Commission européenne pour l’ajout du gaz et du nucléaire dans la taxonomie.

Concernant les critères pour le nucléaire, les nouvelles centrales devront obligatoirement être en possession d’un permis de construire avant 2045, et présenter un plan précis pour mettre en place une installation d’élimination des déchets les plus radioactifs d’ici 2050. L’industrie devra, avant 2025, disposer de combustibles tolérants aux accidents, selon une technologie « certifiée et approuvée par le régulateur de sécurité national ».

Concernant les critères pour le gaz, les nouvelles installations ne pourront être construites que dans le but de remplacer une centrale à charbon existante. Elles devront en outre être construites avant le 31 décembre 2030. Elles devront également fonctionner avec 100% de combustibles renouvelables ou à faible teneur en carbone avant le 31 décembre 2030.

Cette intégration du gaz et du nucléaire dans la taxonomie provoque l’indignation de bon nombre de personnes, notamment des défenseurs de l’environnement qui pointent du doigts une décision éminemment politique de la Commission et sans véritable fondement juridique. Si l’on se détache de toutes considérations politiques, il apparait très clairement que ces deux secteurs ne remplissent pas les critères de la taxonomie tels qu’ils sont aujourd’hui définis dans le droit communautaire.

Margaux Berthelard, Juriste documentaliste