Interdiction de l’abaya et du qamis et expérimentation du port de l’uniforme : le débat autour de la laïcité à l’école reprend en cette rentrée scolaire… En 3 ans, le Sahel a connu 8 coups d’État. Des putschs qui s’accompagnent de slogans anti-français. Pourquoi une telle haine ?
Avec
- Corinne Lepage Ancienne ministre, ancienne euro députée, avocate
- Anne-Lorraine Bujon Directrice de la rédaction de la revue Esprit
- Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- Brice Couturier Membre du comité de rédaction de la revue commentaire
1/ La laïcité à l’école
Pour sa toute première rentrée en tant que ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal aura réussi à animer le débat public à travers deux annonces spectaculaires : l’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires et le lancement d’une expérimentation en faveur de l’uniforme à l’école. Deux initiatives qui sont en partie liées : le port d’une tenue unique par les élèves aurait pour vertu de proscrire celles qui renvoient à une religion, et donc de favoriser le respect de la laïcité dans l’enceinte de l’école.
Cette question de la laïcité à l’école est récurrente depuis des années, en particulier depuis 1989 et la fameuse affaire de Creil (2 collégiennes exclues de leur établissement pour avoir refusé d’enlever leur voile en classe), puis l’adoption de la loi de 2004.
Comment expliquer que ce sujet agite depuis si longtemps le débat public ? Est-ce parce que les atteintes à la laïcité se multiplient dans le cadre scolaire ? Auquel cas, l’interdiction de l’abaya est-elle une décision pertinente ? Faut-il aller plus loin en imposant l’uniforme afin de proscrire les vêtements religieux (ou considérés comme tel) ? Au contraire, faut-il voir dans ce débat récurrent une façon d’instrumentaliser l’école à des fins électoralistes ? Et n’est-ce pas une manière de faire peser sur l’institution scolaire la responsabilité de problèmes que la société ne parvient pas à régler ?
2/ Afrique : la France n’a-t-elle que ce qu’elle mérite ?
Le Gabon est le dernier pays d’Afrique de l’Ouest dans lequel l’armée a pris le contrôle, après le Niger, le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et le Tchad, tous d’anciennes colonies françaises. Depuis 1990, 78 % des 27 coups d’État perpétrés en Afrique subsaharienne l’ont été dans des États francophones. En trois ans, l’Afrique a connu huit coups d’État. Comment expliquer cette cascade de putsch ? Faut-il craindre un risque de contagion ?
En parallèle des coups d’État, on assiste à des manifestations où des slogans anti-France sont scandés. La France n’est-elle plus la bienvenue dans son pré carré en Afrique ? Pourquoi une telle haine des putschistes envers la France ? Pourtant, en 2013, François Hollande était accueilli en libérateur au Mali au moment du déclenchement de l’opération Serval pour combattre les djihadistes… En début de semaine, le Président s’est emporté lors de la conférence des ambassadeurs : “si la France n’était pas intervenue, si Serval, puis Barkhane n’avaient pas été décidées, nous ne parlerions pas aujourd’hui, ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger. Ces États n’existeraient plus aujourd’hui dans leurs limites territoriales.” Progressivement, la France s’est désengagée en Afrique et aujourd’hui, ses soldats ne sont présents que dans quelques pays : 1500 au Niger, 350 au Gabon, 400 au Sénégal, 900 en Côte d’Ivoire, 1000 au Tchad et 1500 à Djibouti. Et peut-être plus pour longtemps au Niger, car la France discute avec la junte, au pouvoir au Niger depuis plus d’un mois, pour redéployer une partie de ses 1500 militaires sur place dans un autre pays africain, probablement au Tchad.
La France doit-elle retirer ses troupes ? La France a-t-elle failli dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel ? À qui va profiter ce retrait ? À Wagner ? À la Chine ? Aux djihadistes ? Que reste-t-il de la Françafrique aujourd’hui ?
Ecouter l’émission : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-esprit-public/laicite-a-l-ecole-un-debat-sans-issue-presence-francaise-en-afrique-un-desaveu-merite-9825662